C'est un sujet complexe qui fait intervenir de multiples considérations à la fois personnelles et sociétales.
Toutes celles et tous ceux qui ont accompagné un frère ou une soeur en fi de vie atteint de souffrances peuvent témoigner que seule une aide à mourir permet d'interrompre ce calvaire ("André, mon très cher André", poème pour un frère mourant).
C'est aussi un sujet d'actualité en particulier en France puisqu'un débat politique a été ouvert pour modifier les dispositions légales que doivent respecter les professions médicales.
Dans le cadre des informations que recueillent les députés de l'Assemblée Nationale française qui examinent les NOUVEAUX DROITS EN FAVEUR DES MALADES ET DES PERSONNES EN FIN DE VIE, les responsables de quatre obédiences maçonniques françaises (Le GODF, la GLDF, la GLFF et le DH) ont été auditionnés par un commission parlementaire présidée par Mr Olivier Falorni.
Nous vous proposons de visionner les 2 vidéos de leurs interventions :
Cette 2ème vidéo comprend les réponses aux questions posées par les membres de la commission parlementaire
Quelques commentaires :
Comme vous le verrez, même si on retrouve beaucoup de préoccupations communes, on note une certaine complémentarité des contributions des différents responsables de ces quatre obédiences !
On ne tiendra pas compte de quelques dérives soit gestuelles soit orales qui rentrent dans le cadre des "querelles de cousinage" ; c'est un peu dommage vu l'importance du débat !
N'hésitez-pas à nous adresser vos propres commentaires !
La mort omniprésente en Franc-Maçonnerie
C’est une banalité de rappeler qu’il y a plusieurs entrées possibles dans l’univers maçonnique ; pour certains il s’agit d’une illumination spirituelle, pour d’autres ce serait plutôt un club de bons vivants, d’autres encore s’y voient en défenseurs d’une laïcité anticléricale, sans oublier celles et ceux qui y découvrent les joies du mysticisme, et plus encore les convaincus que la vraie originalité de la Franc-maçonnerie se situerait dans l’apprentissage de la mort. Et d’autres vécus sont encore possibles !
Mais dans toutes ces approches différentes, il y a un élément que l’on retrouve, au détour d’une phrase, dans une allégorie ou un fait social, dans la spiritualité ou la sociabilité : la mort !
La mort c’est d’bord celle de Maître Hiram dont le drame illustre le rituel du degré de Maître ou Maîtresse , le plus haut degré de la symbolique maçonnique (rappelons que les degrés des hauts grades n’ont rien à voir avec le maçonnisme authentique ; ils sont à connotation folklorique avec un symbolisme fait de bric et de broc !). Cette mort est le prétexte qui justifie notre raison de vivre mais c’et aussi une interrogation qui alimente notre recherche !
Si, dans une approche simple et conviviale, on présente la loge comme un espace dépassionné où l’on peut réfléchir tranquillement sur l’existence humaine en dehors de toute religiosité, ce serait heure d’oublier que la mort est notre préoccupation principale.
Au-delà de cet aspect sociétal, on peut se demander si cette propension à philosopher dans un contexte de fin de vie et de bilan d’une existence n’entre pas en résonnance avec un aspect peu développé du rituel maçonnique, à savoir celui du « rituel funéraire ».
Tout le rituel maçonnique tourne autour de la mort ; on botte souvent en touche en se limitant à la mort profane laissant penser à une résurrection que l’on pourrait imagier de différentes façons .
Cette spécificité on la retrouve dans un élément de la gestuelle durant l’élévation à la maîtrise.
IL S’AGIT DE L’ENJAMBEMENT DU CÉNOTAPHE ; CETTE GESTUELLE EST RÉELLEMENT UNE ÉNIGME CAR ON NE LA RETROUVE NULLE PART DANS LA SYMBOLIQUE CHRÉTIENNE. (SAUF INSUFFISANCE DE RECHERCHE DE MA PART).
Les explications habituelles sont fumeuses et non crédibles. On retrouve ce rite d’enjambement dans différentes cultures africaines ; l’explication que l’on en donne renvoie à une épreuve car le mort peut être capable de se réveiller » pour mordre un orteil, signant par là sa « désapprobation » !
Cette élévation à la maîtrise est un réel rituel funéraire et elle a son pendant dans le rituel de la tenue funèbre, cérémonie pendant laquelle les membres de la loge rendent « hommage » à un ou une des leurs précédemment décédé.
Aujourd’hui on évoque un « hommage » mais en fait il s’agit de bien d’autre chose ; car dans la symbolique maçonnique, la mort physique correspond à l’accès à l’orient éternel ou à la loge céleste. Et dans ce sens c’est d’abord une joie !
Les rituels funéraires, en général, ont deux fonctions :
Accompagner la famille du défunt et consolider le lien social
Conforter les croyances communautaires : croyance dans l’éternité de l’âme, dans la réincarnation ou dans l’accès au Paradis (pour les francs-maçons, l’orient éternel ou la loge éternelle.
A une époque où la croyance en l’existence d’une persistance de l’âme après la mort est de plus en plus remise en cause et où l’incinération détruit le squelette, il peut être normal que la 2ème fonction soit difficile à être comprise de la même manière par tous les francs-maçons.
La mort est aussi présente dans le symbolisme de l’acacia ; cette branche d’acacia qui marque le lieu où le corps d’Hiram a été enseveli renvoie à la nécessaire résilience qui accompagne la mort.
Tout n’a pas été dit mais vous aurez compris l’importance de la mort en franc-maçonnerie. Bien que, généralement, le rituel maçonnique soit vécu comme un rituel d’initiation, surtout si on ne prend en compte que le premier degré, si on prend la globalité des trois degrés, il peut aussi être compris comme un rituel funéraire en l’honneur d’Hiram.
Tout se passe comme si l’inspiration funéraire traditionnelle des rituels maçonniques était un important élément qui attache le franc-maçon (ou la franc-maçonne) à l’ordre maçonnique et à sa loge.
Le suicide et l’euthanasie
Le mot euthanasie est utilisé pour désigner le déclenchement de la mort par l’autorité médicale pour une raison médicale, la plupart du temps, dans des circonstances où la personne concernée a perdu sa conscience.
On définit le suicide assisté comme la possibilité pour un-e patient-e de recevoir par l’autorité médicale une dose léthale (pouvant déclencher la mort) médicamenteuse que la personne s’administre lui-même (ou elle-même).
Les différentes formes de suicide
Le suicide dans un contexte dépressif :
La dépression s’accompagne toujours d’une dévalorisation personnelle et d’une vision déformée de la réalité vécue ; le suicide est généralement considéré comme une alternative à l’incapacité à résoudre une problématique vécue comme essentielle.
Le suicide "amoureux" :
Il s’agit d’un suicide déclenché par l’impossibilité à accéder à la « possession » d’un désir amoureux ; il peut aussi rentrer dans le cas du suicide dépressif.
Le suicide sacrificiel :
Certains exégètes bibliques considèrent que Jésus en fait partie : « Jésus, en envoyant Judas le dénoncer, ne s’est-il pas « suicidé par la main interposée des Romains, une euthanasie programmée pour le rachat des péchés de l’humanité ? », interroge Françoise Biotti-Mache (historienne du droit) ». Il est pratiqué par les extrémistes musulmans et bouddhistes.
Le suicide pour l’honneur :
Il est pratiqué lorsque le déshonneur (généralement public) affecte la réputation d’une personne qui ne le supportant pas choisi de se donner la mort. Au Japon, c’est le célèbre hara-kiri !
Le suicide libérateur :
Il est utilisé pour mettre fin à des souffrances extrêmes accompagnées ou non d’une déchéance physique et/ou intellectuelle.
Le suicide philosophique :
On l’emploie pour désigner une mort choisie pour mettre fin à une vie considérée comme inutile et médiocre !
Le suicide par défi :
C’est en particulier utilisé par les adolescents (cf aujourd’hui le “labellochallenge” Tiktok : Les jeunes appliquent du baume à lèvres ou coupent un morceau de leur baume lorsque leur journée ne s’est pas bien passée. Une fois le tube terminé, ils doivent mettre fin à leurs jours).
Le suicide par arrêt de l’alimentation :
Il concerne essentiellement les personnes âgées qui en viennent, consciemment ou inconsciemment, à refuser toute nourriture, ce qui abrègera la vie. On le voit aussi dans les grèves de la faim protestataires ayant dépassé un certain stade.
Les comportements suicidaires :
Tout se passe comme si les personnes qui les adoptent souhaitaient consciemment ou inconsciemment, abréger leur existence. Cela s’applique aux comportements à risques et aux addictions, en particulier le tabagisme et l’usage de drogues.
Les tentatives de suicide :
Elles appartiennent à un autre chapitre car elles ne sont pas forcément liées à un réel désir de mort ; dans la plupart des cas il s’agit d’un appel à l’aide dans un langage corporel.
Suicide et franc-maçonnerie : le suicide, la « solution » de l’initié !
La franc-maçonne, ou le franc-maçon, se veut libre ! C’est au nom de cette liberté que la fin de vie peut (ou doit) être décidée par l’initié !
Notre premier suicide c’est celui de notre existence profane ; lorsque nous mourrons à la vie profane, n’en sommes nous pas les premiers responsables ?
Devenu initié, nous découvrons une autre dimension, d’autres exigences mais aussi un profond détachement ! L’humilité, le refus de l’ambition et du pouvoir, la quête de la vérité et de l’authenticité nous incitent au dépouillement !
Cette réflexion s’inscrit aussi dans l’imprégnation de la démarche maçonnique par la sémiologie de la mort, omniprésente symboliquement.
Refusant la soumission à l’âge, à la maladie, à d’autres concepts, la question émerge inévitablement : quelle mort désire-t-on ? La déchéance de la dépendance ou une fin digne ?
Jean-Pierre Villain, dans un article de « La chaîne d’union » 2016/2 (N° 76), intitulé « Le maçon, le désespoir et la mort, Une lecture kierkegaardienne du parcours maçonnique », précise « De ce point de vue, le chemin maçonnique nous apprend donc aussi cela : la vérité absolue de l’espérance suppose sa nécessaire humilité. Il ne saurait y avoir de vrai sage, de vrai maître qui croit à tout jamais en avoir fini avec les tentations du suicide, du meurtre et du désarroi. »
Le suicide du franc-maçon (de la franc-maçonne) peut s’assimiler à un suicide philosophique, un acte de liberté qui rejoint la revendication du droit de mourir dans la dignité !
Cet acte de liberté n’est pas contradictoire avec une croyance dans une « existence » post mortem ! La sincérité de la motivation et la droiture de l’existence ne peuvent laisser le moindre doute sur la spiritualité d’un tel geste.
Pour les non-croyants fidèles à la fameuse devise « Ni Dieu, Ni Maître », le suicide est en complète cohérence avec leur engagement.*
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