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Photo du rédacteurMatéo Simoita

Initiation et éternité

Dernière mise à jour : 31 janv. 2022



Et si l’initiation avait un 2ème sens : l’hypothétique transmission d’une éternité ?

Si l’apprentissage est essentiellement une transmission d’une pratique gestuelle, et l’éducation une transmission de connaissances intellectuelles, l’initiation pourrait se définir comme une transmission de vécus et d’émotions avec deux finalités possibles : l’appartenance à une communauté et la modélisation dune transmutation. C’est peut-être pourquoi elle est souvent incomprise et sujette à de si nombreuses interprétations.

A l’époque des anciennes civilisations pré-égyptiennes, l’initiation avait essentiellement pour but de permettre l’intégration dans des communautés possédant une connaissance des « mystères » ; il n’y avait pas alors la possibilité pour les êtres humains d’échapper à la mort ; seuls les Dieux étaient immortels. On doit aux prêtres de l’Egypte antique (après la chute de l’ancien Empire vers 2000 avant JC), d’avoir progressivement introduit la possibilité pour les êtres humains « de valeur » d’espérer pouvoir accéder à l’Eternité avec les notions de « temps grand » t de « temps petit ».

Depuis lors, l’initiation induit les deux sens qu’on lui connaît aujourd’hui : l’accès à des communautés spécifiques et l’acquisition des conditions d’admission au « Paradis » !

Aujourd’hui l’initiation conserve un indéniable pouvoir évocateur archétypal ! Dès la fin de l’adolescence, l’être humain se met à la recherche d’une initiation ! Les expériences sont multiples : entrée dans le monde des adultes, crise mystique, recherches de pouvoirs occultes, attirance pour les mystères sans parler de l’attraction scientifique !

Si l’initiation, dans sa version d’intégration communautaire semble banale, elle garde encore une grande importance psychologique car elle conditionne le sentiment de « réussite » sociale.

Mais la deuxième acception suscite aussi un grand intérêt. Toute l’ambiguïté des « ordres » initiatiques est contenue dans cette problématique : comment offrir une réponse à une demande aussi forte concernant notre devenir post-mortem ? Car la réalité est bien souvent décevante et le contenu émotionnel, dans le meilleur des cas essentiellement hédonique, n’est pas toujours à la hauteur de l’espérance recherchée.

La Franc-maçonnerie s’honore de ne rien promettre et de répéter que seule la recherche personnelle tenace pourrait apporter une réponse, bien que cela n’empêche pas les nombreuses interprétations plus ou moins délirantes des rites (cf « l’oswald wirth mania »)!

Mais de quelle demande parle-t-on ? Quel est le contenu qu’inspire ce désir d’initiation ? Quel est le vécu, quelles sont les émotions que tout un chacun espère posséder ?

La sagesse ? La connaissance de la clé des « mystères » de l’existence ? Le viatique pour passer au-delà du « miroir » ?

Peut-être un peu de tout cela mais fondamentalement ne serait-ce pas l’élixir de l’immortalité, appelé aussi la clé de l’éternité ? Avec l’objectif d’échapper à l’angoissante fin programmée de la vie ?

On retrouve cette quête dans de nombreux passages des contenus initiatiques avec des expressions comme « mort du profane », « renaissance », « élévation », « orient éternel ».

Selon les cultures, cela peut se faire en référence à des concepts immatériels comme Dieu, Allah, le Grand Architecte de l’Univers, les esprits ou la pierre philosophale. Mais l’essentiel reste l’espoir d’une immortalité projetée le plus souvent dans un autre « monde » !

Bien sûr, il s’agit d’une espérance même si pour beaucoup c’est aussi une croyance, et nul ne sait si cette idéation d’une transmission réalisée par l’initiation sera réelle !

Tous les êtres humains sont un jour ou l’autre taraudés par cette question ; nombreux sont ceux qui doutent, qui abandonnent cette quête, se livrent épisodiquement aux superstitions du jeu et du hasard ou se laissent emporter dans le tourbillon des jouissances terrestres !

Par ailleurs, si dans la société tribale archétypale, cette transmission d’émotions se faisait sur le mode ésotérique, c'est-à-dire par l’intermédiaire d’un guide, d’un-e véritable initié-e, dans la société moderne, elle s’est déshumanisée et utilise le plus souvent le stéréotype d’un rituel, sorte de prompteur lu par des individualités n’ayant que peu de rapport de proximité avec le récipiendaire. Il en résulte une plus grande difficulté à accéder à la « substantifique moelle ».

La quête d’une immortalité, même si elle peut se formuler autrement, reste un élément fondamental de la psychologie humaine. Malgré les connaissances scientifiques acquises dans ces deux derniers siècles, la demande reste forte et même en Franc-Maçonnerie, on ne prend pas le risque de la rejeter ; certaines obédiences et certains rites avec des « hauts » grades n’hésitent pas, en se prévalant d’une soi disant « tradition », à prétendre même pouvoir y apporter une réponse !

Toujours est-il que, tant que le renouvellement générationnel sera une réalité biologique, on comprendra ce que Spinoza voulait dire dans son « Traité de la réforme de l'entendement » (1661) :

« Je me décidai en fin de compte à rechercher s'il n'existait pas un bien véritable et qui pût se communiquer, quelque chose enfin dont la découverte et l'acquisition me procureraient pour l'éternité la jouissance d'une joie suprême et incessante. »

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