La voie maçonnique, qui semble si difficile à définir,
ne pourrait-elle pas être une voie
vers le bien-être, le non-désir et l’acceptation ?
Une des premières définitions du bien-être date de 1555 ; Etienne Pasquier (1529-1615), dans son livre « Le Monophile », un dialogue sur l’Amour, le définit comme une « sensation agréable procurée par la satisfaction des besoins du corps et ceux de l’esprit ».
La recherche du bien-être se retrouve dans toutes les cultures du monde. Il a fallu attendre le début du XXème siècle pour que des sociologues essentiellement américains en fasse un objet de recherche. Depuis les années 70, des sociologues français participent à ces travaux internationaux.
Dans le Préambule à la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé, adopté par la Conférence internationale sur la Santé du 19 au 22 juin 1946, la santé est définie comme : «un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Le bien-être, plaisir fugace, fantasme ou attribut du Sage ?
Aujourd’hui, une publication américaine fait référence : Journal of Happiness Studies, An Interdisciplinary Forum on Subjective Well-Being ; sa dernière édition qui date du 4 avril 2021 propose une vingtaine d’articles qui témoignent de la diversité des approches, dont :
A Multilevel Approach Linking Entrepreneurial Contexts to Subjective Well-Being: Evidence from Rural Chinese Entrepreneurs
Immigration Attitudes and Subjective Well-Being: A Matter of Identity?
The Role of Income and Social Capital for Europeans’ Well-Being During the 2008 Economic Crisis
How Does Trait Gratitude Relate to Subjective Well-Being in Chinese Adolescents? The Mediating Role of Resilience and Social Support
Sport Participation and Happiness Among Older Adults: A Mediating Role of Social Capital
Happiness in Physical Activity: A Longitudinal Examination of Children Motivation and Negative Affect in Physical Activity
Is Mental Well-Being in the Oldest Old Different from That in Younger Age Groups? Exploring the Mental Well-Being of the Oldest-Old Population in Europe
How Would You Describe a Mentally Healthy Person? A Cross-Cultural Qualitative Study of Caregivers of Orphans and Separated Children
On Emotion Regulation Strategies and Well-Being: The Role of Passion
La recherche du bien-être peut aussi entraîner l’usage des drogues addictives. Patrick Pharo dans un article, « Bien-être et dépendances », paru dans la revue « Pensée Plurielle » note «un vécu fort de liberté des primo-usagers par rapport notamment à des malaises personnels ou à des malaises de la société, et en direction de toutes les promesses d’euphorie, de bien-être, d’émancipation, de dépassement, de sérénité, qu’ils aperçoivent dans l’usage des produits. Suivant les cas, ce vécu de liberté en reste à la dimension de l’automédication ou s’intègre dans les idéologies qui accompagnent les grands courants modernes de consommation, comme la culture hippie, le mouvement punk ou les fêtes techno. »
L’auteur relève aussi l’importance des découvertes scientifiques : « d’abord la possibilité de provoquer des sensations de plaisir par une action chimique directe sur le cerveau sans passer par les organes des sens ; ensuite, les parentés neurophysiologiques entre des catégories de plaisir dont le sens vécu peut paraître très différent : sexe, nourriture, jeux, sports, travail, achats et bien sûr produits psychoactifs ; enfin, le caractère profond et durable des changements neurophysiologiques associés à l’usage régulier des plaisirs et en particulier aux pratiques addictives. »
Le bien-être, un objectif du processus initiatique
Philosophiquement, le bien-être est souvent analysé comme une forme de Bonheur et on doit, en premier lieu, à Aristote d’avoir fait du bonheur un objet de recherche d’un bien suprême menant à la vertu.
Dans le bouddhisme tibétain, le bien-être s’acquière à la suite d’une démarche qui comprend cinq composantes :
Libérer le cœur de la haine
Libérer son esprit des préoccupations
Libérer son esprit de l’orgueil
Apprendre à donner,
Accepter plus et attendre moins
On pourrait faire une assimilation entre ces préceptes et l’injonction rituélique maçonnique : «Laisser les métaux à la porte du temple » !
De ce qui précède il ressort que la notion de bien-être concerne deux situations particulières :
- L’être humain dans sa solitude existentielle,
- Et le même être humain dans un vécu collectif initiatique ou non !
Tout être humain est viscéralement à la recherche d’un bien-être.
Dans son jeune âge, pour la jeune femme ou le jeune homme, cette recherche n’est qu’une des composantes de nombreuses autres préoccupations : acquérir les moyens de son indépendance, vivre ses pulsions et en particulier la sexualité, avoir une reconnaissance sociale, défendre des convictions, assumer un rôle communautaire, etc. Le bien-être ressenti est alors bien souvent de courte durée et consécutif à situations particulières : ce peut être l’observation d’un paysage, une expérience spirituelle, un ressenti amoureux partagé, une plénitude collective, ou d’autres circonstances.
En loge, on pourrait retrouver cette approche du bien-être momentané dans ce que l’on nomme communément « l’égrégore » et qui psychologiquement se rapporte à l’induction d’un ressenti sous l’effet de la dépersonnalisation secondaire à l’emprise de la pensée collective.
La concentration de la pensée sur l’essentiel, l’âge et l’expérience suscitent une réflexion plus approfondie et renvoient l’être à la problématique existentielle du bien-être que l’on peut mettre en relation avec le processus d’acceptation de ce que l’on est vraiment. C’est dans ce processus que la démarche maçonnique peut véritablement être une voie vers le bien-être !
Une fois l’expérience faite de la médiocrité, de la futilité, de l’évanescence de tous ces « métaux » que la société nous offre (l’ambition et la cordonite, la richesse, le pouvoir, l’orgueil, la représentation sociale, l’égo par exemple), la capacité de ressentir un bien-être authentique témoigne de la capacité de l’être de se détacher du désir et de se retrouver en harmonie avec la nature.
Si les rituels maçonniques accompagnent cette démarche par une inspiration transcendantale, celle-ci n’est pas une obligation et la voie maçonnique vers le bien-être peut malgré cela se produire ! C’est une démarche essentiellement individuelle même si l’accompagnement collectif procuré par le rituel peut y participer.
C’est sûrement dans la recherche d’un bien-être intellectualisé et conscient que se trouve la « substantifique moelle » d’une voie maçonnique où les rituels sont un support qui est destiné à être oublié car l’essentiel continuera sans lui ; cette recherche n’est malheureusement peu ou pas reconnue par les responsables obédientiels qui s’agitent comme des pantins dans un occupationnel profane.
Cette recherche est destinée à devenir une règle de vie !
Une hygiène corporelle associée à une hygiène alimentaire et à une pratique intellectuelle sont les trois composantes indispensables pour prétendre accéder à ce bien-être !
La pratique de la méditation appartient aux composantes corporelle et intellectuelle.
Maçonniquement, il est clair que tout cela ne sera possible que si une dynamique collective consensuelle accepterait de s’engager dans cette voie qui pourrait rebuter des esprits primesautiers !
Sources :
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