Voici un symbole à nul autre pareil !
Le feu est omniprésent dans notre inconscient. En Franc-Maçonnerie, dès l’ouverture des travaux, l’épée flamboyante de la Vénérable Maîtresse indique l’importance qui est dévolue à ce symbole !
Et pourtant, tout n’est pas si simple.
Qui n’a fait le cauchemar d’un appartement en feu duquel l’on ne pouvait s’échapper et nous projetant dans le choix angoissant de la mort dans les flammes ou de l’écrasement sur le sol ?
Qui n’a pas rêvé faire l’amour devant les flammes d’un feu crépitant dans une cheminée en délivrant une chaleur sensuelle ?
Et n’oublions pas la réalité de nos lointains ancêtres des temps paléontologiques veillant à conserver le feu du foyer comme le bien le plus précieux, feu qui transforma leur existence en leur donnant un outil fantastique à la base de tant d’évolutions !
Je me revois auprès de ma grand-mère, que j'accompagnais pour chercher le bois dont elle avait besoin pour démarrer le feu dans la cuisinière. Servante ou plutôt maîtresse du feu , telle m'apparaît aujourd'hui cette grand-mère qui savait si bien utiliser le feu pour préparer les repas..
J'aime me laisser fasciner par les flammes du feu sans cesse en mouvement de l'âtre de ma cheminée ; nourries par de belles bûches d'un bois bien sec, elles créent un véritable spectacle en variant les tableaux. Cette fascination silencieuse m'oriente vers la rêverie : c'est un feu protecteur qui éloigne les pensées négatives.
Oui, j'ai accepté que l'on mette , à la suite de mon décès, mon corps dans un crématorium où le feu, dans sa puissance extrême , le consumera pour le réduire en cendres.
Dans son ouvrage, "La Psychanalyse du feu", paru juste avant la 2ème guerre mondiale, Gaston Bachelard esquissait pour la première fois une étude « refusant le plan historique » et se référant aux structures permanentes de la rêverie du feu. Dénonçant les valorisations scientifiques du feu, il faisait d'une pierre deux coups : d'une part il ruinait toute la théorie pseudo scientifique des « quatre éléments », (alchimiques), d'autre part il montrait que, derrière un élément en apparence homogène à la conceptualisation et même à la sensation, le feu, se cachaient des intentions structurales divergentes.
Le Feu est un des thèmes majeurs traités par de nombreux chercheurs : pour en témoigner citons le livre de J. G. Frazer, "Mythes sur l'origine du feu" (Myths of the Origin of Fire, 1930), la série des Mythologiques de Claude Lévi-Strauss (Le Cru et le Cuit, 1964 ; Du miel aux cendres, 1966), et "Forgerons et alchimistes" (1956) de Mircea Eliade.
Par rapport aux trois autres éléments de la théorie classique, (l'eau, la terre et l'air), s'ajoute, en ce qui concerne le feu, une intention technologique majeure. C'est à juste titre que la «découverte » de ce dernier passe légendairement pour être l'invention primordiale. Aussi, tandis que les symboles des trois autres éléments étaient plutôt du ressort du psychologue, voire du psychanalyste travaillant à l'écart des implications sociales et culturelles, la symbolique du feu intéresse surtout l'anthropologie sociale et culturelle.
Plus que celui de tout autre élément, le symbolisme du feu est « un symbolisme pluriel ». Il ne cadre pratiquement jamais avec la définition simpliste qu'en donne la théorie des éléments. Ses symboles ne sont nullement la résultante de la combinaison du « chaud » et du « sec ». C'est au contraire à un essaim d'images des plus concrets qu'il renvoie : flamme, braise, étincelle, foudre, éclair, incendie, foyer, etc.
Le symbolisme du feu est esquissé par toute la série des qualificatifs qui mettent bien en évidence l'alchimie (cf. dom A. J. Pernety, Dictionnaire mytho hermétique, 1758) : lumineux, doux, chaud, ardent, digérant, sec, brûlant, et même humide.
Si l'on examine ensuite les compléments indirects du feu, on retrouve la même pluralité diversifiant : forge, cuisine, incinération, coction, fusion, crémation, briquets à piston, à friction, à percussion, etc. C'est l'alchimiste, le « philosophe par le feu », qui tentera de coordonner opératoirement - et non selon une logique des éléments - tous ces accents symboliques disparates.
1. Le feu réchauffant
Le feu calorifique est celui que l'alchimiste assimile aux « bains » de différents degrés (feu de cendre, feu de sable, feu de fumier, feu de limaille, feu de Perse, feu d'Égypte) ; il renvoie à deux grandes polarisations symboliques : le symbolisme érotique et le symbolisme filial.
Éros et le feu
Le symbolisme érotique est donné par toutes les images et métaphores qui font coïncider le feu et l'acte sexuel, la passion amoureuse ou simplement l'amour et l'affectivité. C'est la signification la plus vulgarisée, spécialement par l'iconographie et la littérature de l'Occident chrétien. Cependant, déjà dans la tradition gréco-latine, Éros-Cupidon, le dieu de l'Amour, est représenté très souvent porteur d'une torche en plus de son arc, ces deux instruments suggérant tous deux la blessure amoureuse. À ce symbolisme érotique - dont les structures semblent obéir au régime nocturne de l'image (cf. Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l'imaginaire) - on peut découvrir des motivations psychophysiologiques, et surtout technologiques, étroitement imbriquées.
La motivation psychophysiologique naît de la variation concomitante entre l'augmentation thermique, l'« échauffement » du corps et l'émotion amoureuse, puis l'acte sexuel qui, chez les mammifères et l'homme, s'accompagne d'un frottement rythmique (caresses, coït, danses nuptiales, etc.).
Bachelard, qui consacre les deux tiers de sa Psychanalyse du feu à cette expérience érotique de la « chaleur partagée » - qu'il dénomme « complexe de Novalis », « synthèse de l'impulsion vers le feu provoquée par le frottement, le besoin d'une chaleur partagée » -, se demande même si les briquets à friction (par lesquels le feu est engendré par frottement d'une lame de bois dur sur une planchette rainurée de bois tendre, les deux objets suggérant directement l'image du coït) ne seraient pas nés de la réflexion rêveuse sur le frottement érotique. L'amour serait alors « la première hypothèse scientifique pour la production objective du feu ». En témoigne encore le très curieux Cours d'électricité expérimentale, publié en 1753, dans lequel Charles Rabiqueau relie le « feu électrique » et les complaisants phénomènes électrostatiques à l'image du couple. Par là, Bachelard, très proche des théories d'Eugène Minkowski, place le sens figuré à égalité, sinon en priorité, avec le sens propre, montrant combien les mots et les productions humaines, même les plus objectives en apparence, sont filtrées et surdéterminées par la subjectivité transcendantale de l'imagination de l'espèce humaine.
La motivation technologique du briquet ne fait donc que renforcer la première et tendre rêverie des chaudes caresses. Comme l'écrit Frazer, « l'idée que le feu jaillit du corps d'une femme, et en particulier de ses organes génitaux, trouve une explication certaine dans l'analogie que beaucoup de primitifs voient entre le fonctionnement du foret-à-feu, d'une part, et les rapports des sexes de l'autre ». Le briquet à friction, lointain ancêtre de nos allumettes frottées sur le grattoir (le parler populaire dit aussi bien d'une chienne amoureuse qu'elle est « en chaleur » que d'une fille trop excitante qu'elle est une « allumeuse »), est, sinon le procédé le plus primitif pour produire le feu, du moins, selon A. Leroi-Gourhan, le procédé du « plus primitif des peuples vivants », les Mélanésiens.
Le feu et la table
Frazer a bien souligné tout au cours de son livre le caractère de contenu (dans le ventre, les organes féminins, l'oiseau, le bois, etc.) que revêtait le feu. Le parler populaire dénomme d'ailleurs les organes génitaux féminins par des termes empruntés aux contenants culinaires (pot, marmite, panier, etc.). Par ailleurs, les Mythologiques de Claude Lévi-Strauss débouchent tout naturellement sur Les Manières de table.
Le symbolisme du foyer s'entend aussi bien pour l'intimité de la chambre nuptiale que pour la féminité quasi constante de l'âtre où chauffe la marmite. Le régime nocturne de l'image du feu se referme en quelque sorte sur les thèmes intimistes et les structures mystiques de l'imaginaire.
Comme le dit Bachelard, le « complexe de Novalis » laisse alors place au « complexe d'Hoffmann », celui de l'eau qui flambe, du punch cher à l'auteur des Contes : "Quand la flamme a couru sur l'alcool, quand le feu a apporté son témoignage et son signe, quand l'eau de feu primitive s'est clairement enrichie de flammes qui brillent et qui brûlent, on la boit."
Seule de toutes les matières du monde, l'eau de vie est aussi près de la matière du feu. On pourrait ajouter qu'elle est déjà née du feu, du feu quasi alchimique qui couve sous l'alambic.
Par une autre sorte de production, le symbolisme du feu calorifique peut se maintenir dans les structures synthétiques : le feu sexualisé entraîne, en effet, les symboles de la fécondité, et plus particulièrement le symbolisme filial. Tout logiquement, le thème du contenu igné glisse vers la thématique du fils, du « fruit » du ventre de la mère. Le feu est fils, il est produit naturel ou industriel, il produit à son tour, naissance, renaissance ou régénération.
Engendré par la croix-roue de l'arâni, le feu devient le prototype symbolique de tout produit technologiquement fourni par un couplage, un tournoiement, un frottement : moulin, baratte, pressoir. Jung remarque que la racine math ou manth est celle que l'on relève à la fois dans le mot sanscrit qui signifie baratte (manthasa) et dans le nom de Pramatha, le Prométhée hindou, le héros qui apporta le feu civilisateur sur la terre. Il en résulte une confusion entre le feu et les produits de la baratte, du moulin, du pressoir.
Et spécialement ce qui sert à son tour à alimenter le feu : l'huile essentielle. Chez les Latins, Vesta, la déesse du feu, du foyer (focus) est également protectrice du moulin à huile (pistrinum) [cf. G. Dumézil, Tarpeïa]. De même, le lutin prométhéen des L'Ela, Nékili, apporte aux hommes la recette pour extraire l'huile de la plante karité (cf. F. J. Nicolas, Mythes et êtres mythiques des L'Ela de la Haute-Volta). L'autel védique du feu est flanqué de l'indispensable pressoir à Soma, et Agni, le dieu du feu, signifie l'oint, tout comme le Fils par excellence de la tradition chrétienne (khristos, de khrio, j'oins, j'enduis, je frotte).
Dans l'œuf philosophique de la manipulation alchimique, le symbole du fils se conjugue d'ailleurs - sous l'aspect de l'homunculus - avec le symbole du poucet. Dans de nombreuses légendes relatives à l'origine du feu (cf. Frazer, op. cit.), ce dernier est contenu dans le corps, ou même dans la queue, d'un petit animal : pic, rouge-gorge, corbeau, chien, lapin, castor, etc., ou encore dans une modeste plante tel le fenouil sauvage dans lequel Prométhée cacha le feu volé. À moins que Prométhée lui-même ne fût tout simplement un aigle, comme le suggérait Salomon Reinach. Quoi qu'il en soit, toutes ces légendes « gullivérisent » l'être ou l'objet qui porte le feu et assimilent la puissance de ce dernier à la toute-puissance de l'infiniment petit.
De nombreuses peuplades, spécialement en Afrique, ne connaissent comme engrais que la crémation périodique.
En résumé, dans cette symbolisation calorique, fortement motivée par les rêveries technologiques, le feu est symbole majeur de l'acte d'amour comme de son « produit », ce produit étant lui-même surdéterminé en fils, emblème de la fécondité, mais aussi en produit agricole et alimentaire. Cette liaison laisse entrevoir un passage entre ce que les psychanalystes appellent le « buccal » et le « génital », qui ne serait pas passible, comme pour ces derniers, d'une mystérieuse maturation ontogénétique, mais serait relié à la phylogenèse technologique de l'espèce humaine. On voit sur ce point comment l'analyse structurale à la fois anthropologique et symptomatique permet d'aborder la symbolique du feu de façon beaucoup plus fine, plus motivante, donc plus explicite que le formel élémentarisme pseudo-scientifique ou que le schéma trop biologique de la psychanalyse freudienne.
2. Le feu fulgurant
Le feu fulgurant se situe dans un tout autre univers structural, celui des structures héroïques (ou schizomorphes), et est le symbole de la purification, du changement radical, du baptême.
L'on passe facilement de l'une à l'autre de ces deux constellations divergentes, la calorifique et la fulgurante, grâce au symbolisme intermédiaire de la naissance. La naissance à la lumière devient ici la renaissance, le baptême par le feu. L'emblème du Phénix assure cette continuité entre la cendre chaude et féconde et la flamme fulgurante et ressuscitée.
Le feu se rattache au grand archétype de la lumière. Aussi constelle-t-il fréquemment avec l'accent de masculinité que la lumière apporte à tout ce qu'elle éclaire.
Le feu se sexualise en mâle ; c'est ainsi qu'en Chine il est le support du principe yang, le principe mâle, et que la flamme est l'érection. La fulguration de la foudre renforce encore ce dernier caractère.
Tout un symbolisme guerrier, héroïque, vient relayer la virilité du feu. L'épée flamboyante des anges justiciers, les foudres de Jupiter ou l'emblème de la grenade flambante sur les uniformes militaires sont les produits des inductions pyrotechniques de la rêverie du feu fulgurant. Au silence du foyer se substituent les grondements du tonnerre, ou du canon, les crépitements et les ronflements de l'incendie, de la forge, du volcan.
De nombreuses sociétés, enfin, utilisent l'incinération comme base du rituel funéraire. André Piganiol a montré que, dans les sociétés indo-européennes, l'incinération est toujours accompagnée par un culte solaire ou ouranien lié à la notion de transcendance.
Le feu de Vulcain serait à Rome l'antithèse du Saturne chthonien. Incinération et sacrifices par crémation impliquent mort à la vie ordinaire, impure, et renaissance à la vie spirituelle. Chez les Indiens Matako, le feu joue un rôle analogue - séparateur et purificateur - au couteau de circoncision chez d'autres peuples. Encore dans cette série cathartique, la spéculation des anciens Grecs, puis celle des alchimistes attribue au feu le principe de toute volatilité, de toute raréfaction : l'éther, matière même du feu (en alchimie dénommé « feu de lion ») ; chez les Modernes, comme le note Littré, l'éther signifie l'air le plus pur : le symbolisme du feu se résorbe alors tout à fait en celui du volatil, de l'élévation.
Le feu en franc-maçonnerie
Tout commence avec le testament rédigé dans le cabinet de réflexion et qui finira en flammes et puis il y a eu l'épreuve du feu et ensuite l'épée flamboyante qui nous consacre et créé Franc-maçonne. Ce sera ensuite l'étoile flamboyante et dans d'autres rituels on le retrouvera. Le Feu en franc-maçonnerie nous renvoie au Grand Architecte de l'Univers et bien sûr à Dieu.
On le retrouve au 3ème degré dans la marche (complète) de la maîtresse où l'on retrouve la salamandre, un autre symbole du feu. (voir un développement sur ce sujet)
Le feu, attribut du mâle ?
Ce qui polarise et anime la symbolique du feu, ainsi que le pressentait Bachelard, c'est moins les substances objectives que ces importants dynamismes des gestes humains qui constituent les « métaphores axiomatiques » de l'imagination. On voit par là que les symboles « ne doivent pas être jugés au point de vue de la forme... mais de leur force » (G. Bachelard, La Terre et les rêveries du repos).
Comment ne pas comprendre combien les êtres humains, et d’abord les hommes, qui de tous les temps, n’ont voulu que nous instrumenter, comment ne pas comprendre que ces hommes furent subjugués par ce phénomène qui les fascinait !
Et c’est ainsi que ce phénomène physique entra dans une autre existence, celle de l’univers symbolique où se côtoient tout ce que l’humanité a sacralisé !
Que puis je contre ce feu des mâles, tantôt destructeur, tantôt passion et vibration ? Il n’est pas moi !
Je le connais bien ce feu que j’ai appris à maîtriser , et aussi comprendre , pressentir ces réactions !
Je sais le garder doux et sensible , malléable et servile !
Anticipant son exigence, je contrôle son appétit et sait lui fournir le bois qu’il faut en refusant la facilité de lui jeter dédaigneusement de la matière sans noblesse !
Au feu des mâles qui se veut Puissance ou Enfer, Mutation ou Tentation, je vois le Feu subtil, ce feu aidant qui transforme et anoblit, le feu douceur qui me rend ce que je suis !
Expressions contenant le mot "feu" :
Langue de feu désigne (source wikipedia) :
une plante, l'Anthurium, ou anthure, ou flamand rose ;
une maladie de la langue, la glossodynie ;
un codage utilisé par certains enfants ou adolescents, la langue de fe ou langue de feu, qui est une forme de javanais ;
une pièce pour soprano et ensemble instrumental de 1994 de Claude Lenners ;
le nom d'un haricot, le haricot langue de feu ;
le terme qui désigne une flamme de forme étroite et allongée, l'exemple le plus célèbre étant la forme prise par le Saint Esprit lors de la Pentecôte ;
un cocktail assez fort, souvent consommé sous forme de shooters, composé à 1/2 de vodka, à 1/2 de bière, et agrémenté de quelques gouttes de tabasco liquide ou directement de piment en poudre, de façon à obtenir une teinte rose/rougeâtre.
Être tout feu tout flamme
Avoir le feu sacré
Faire feu de tout bois
Jouer avec le feu
N'y voir que du feu
Se trouver entre deux feux
Mettre sa main au feu
Mettre le feu aux poudres
Marcher du feu de Dieu
A petit feu
Avoir le feu au cul
Arme à feu
Baptême du feu
Bateau-feu
Brique à feu
Bouche à feu
Cessez-le-feu
Cidre à feu
Contre-feu
Coupe-feux
Couvre feu
Cracheur de feu
Etre en feu
Etre pris, se trouver entre deux feux
Pour aller plus loin :
La symbolique du feu par MONIQUE PIETTRE. - Revue des deux mondes
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