La tradition, une gageure ou autre chose ?
Le titre complet de cette nouvelle édition, « La Tradition, un héritage, une source, un label … » semble nous autoriser, par l’intermédiaire des trois points de suspension, à un ajout ! « Gageure ou autre chose » nous semble approprié !
Discourir sur la tradition, tel est l’objet de ce numéro 7 des Cahiers de l’Alliance qui vient de paraître.
C’est un mot technique qui est devenu au fil du temps un mot polémique. Il y a les « bons et les gentils » qui se disent traditionnalistes et les méchants qui « dévoient » la tradition. C’est vrai en religion mais aussi en franc-maçonnerie. Dans son avant-propos, Jean-René Dalle, succombant au pêché de sa charge, s’en donne à cœur joie pour tenter de prouver qu’à la GLAMF, on est dans « les bons et gentils » !
Heureusement, cet avant-propos est manifestement en décalage avec le reste des contributions qui dans l’ensemble sont beaucoup plus prudentes sur le sens de ce mot. Jean Dumonteil n’hésite d’ailleurs pas à affirmer « Les mots sont au cœur de la transmission maçonnique mais ne sauraient la résumer. »
Sachant que la Franc-Maçonnerie est historiquement une « invention », un « bricolage anthropologique », écrit-il, François-Xavier Tassel signe un article « décoiffant », et très documenté, en affirmant en particulier que les us et coutumes, les landmarks et autres Constitutions d’Anderson ne sont pas, à proprement parler, du domaine de la tradition !
On l’a dit, le mot « tradition » est un mot technique qui n’a aucun contenu mais cela n’empêche pas les pauvres humains que nous sommes à essayer de lui en donner un.
Gaston-Paul Effa y voit un « livre de vie », Pierre Pelle Le Croisa utilise la très belle expression « d’étincelle de lumière sous la cendre » et Jacques Branchut revient sur la notion de «tradition primordiale » en faisant référence à René Guénon et à certains mythes anciens.
La complexité du sujet est bien explorée par Jean Dumonteil avec deux contributions : l’une sur le poids des mots et l’autre sur la problématique de la transmission.
On trouve dans la contribution de Richard Bacin une certaine nostalgie à l’évocation des traditions africaines et de ses mythes, dont il développe certains.
On pourra regretter, comme le 4ème pas du maître maçon nous y invite, ce pas de côté qui aurait pu être exploratoire de l’actualité de la tradition dans la démarche maçonnique d’aujourd’hui, non pas comme une caution que l’on voudrait donner pour apparaître crédible, mais comme une affection qui nous autorise à des transgressions pour aller plus loin !
Cette revue, au-delà d’un certain formalisme « institutionnel » a une vraie liberté de ton ; deux éléments l’illustrent particulièrement :
- Un dessin de François Morel qui en dit plus que beaucoup de discours !
- L’illustration de la page de couverture : « Le regard de Théodora » ! Il serait trop long d’expliquer ici l’originalité de la personnalité de l’épouse de l’empereur Justinien, « Prostituée et impératrice de Byzance », mais il sera facile aux lecteurs de la retrouver. « Le regard de Théodora » ne nous invite-t-il pas à un certain regard sur la tradition ?
Vente au numéro (18 €) possible sur le site de Numérilivres
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